Quelle est la limite entre la désobéissance civile et la lutte armée ou le terrorisme ? Qui est terroriste, qui ne l’est pas ? Quid du terrorisme d’Etat ? Dans un cadre démocratique, jusqu’où peut aller la contestation ? Vastes questions auxquelles nous ne répondrons pas ici, mais qu’il faut avoir en tête avant d’évoquer le parcours des femmes qui se sont engagées dans les groupes de lutte armée des années 70 et 80, lors de ce qu’on a appelé en Europe les années de plomb. Un des objectifs de ces mouvements était de révéler le caractère répressif de L’Etat afin de faire émerger un contre pouvoir.
Nathalie Ménigon fut une des membres fondatrices d’Action directe, organisation révolutionnaire de lutte armée française. Après plusieurs années de clandestinité, elle a été reconnue coupable des meurtres du Général Audran et de Georges Besse. Condamnée à perpétuité, elle souffre d’hémiplégie et a subi deux accidents cérébraux dont un passé inaperçu faute de suivi médical. Gravement malade, elle vient d’être mise en semi-liberté après plusieurs demandes de libération conditionnelle.
Joëlle Aubron, autre membre d’Action Directe, a également été condamnée à perpétuité
pour ces mêmes meurtres. Libérée en 2004, elle décède en 2006 des suites d’un
cancer dont elle souffrait déjà en prison. En Allemagne, La Fraction Armée Rouge ou
bande à Baader comptait plusieurs femmes dans ses rangs à des postes clefs. Gudrun
Esslin, issue d’une famille traditionaliste, rejoint Andreas Baader en 68 et participe à
l’incendie de grands magasins qui marquera le début de la fraction armée rouge.
Fondatrice du groupe on considère qu’elle est à l’origine de sa radicalisation. Ulrike Meinhof, journaliste de gauche, rejoint la lutte armée en libérant Andreas Baader et devient l’idéologue de la fraction armée rouge dont elle rédige de nombreux textes et communiqués. Elle participe à de nombreuses « opérations », braquages et attentats.
Une différence des sexes dans le traitement carcéral et médiatique
Le fait qu’elles soient des femmes leur a valu un traitement (judiciaire, carcéral et médiatique) particulier, se rajoutant aux mesures déjà exceptionnelles prises pour contrer ces mouvements.
Le traitement d’Ulrike Meinhof est exemplaire de la différentiation des sexes en la matière. Les média se focalisent sur sa position de femme : elle est une mère indigne, une femme dévoyée, une sorte de tête pensante « diabolique ». Les femmes de ces groupes sont perçues comme des monstres particuliers et ne rencontrent que très rarement la sympathie des média.
Lors de leur détention, Ulrike Meinhof et Gundrun Esslin subiront l’isolation sensorielle et la torture psychologique avant de se « suicider », dans des conditions suspectes. Suite à ce travail de sape morale, les femmes de la RAF, tout comme celles d’Action Directe, traverseront des crises de démence et de dépression profondes. Pour celles d’entre elles qui étaient mères, c’est par les enfants qu’on fit pression sur elles, en amenant certaines à livrer de nombreux renseignements capitaux.
Une sévérité à géométrie variable Si l’on compare leur traitement à celui réservé à Paul Touvier (clandestinité protégée) mais surtout à Maurice Papon... on peut se dire qu’au delà des crimes pour lesquels ont été condamnées, elles paient surtout le fait d’avoir attenté à un certain ordre social étatique. Au contraire de Papon, fonctionnaire Vichyste, responsable des morts du 17 octobre 1961, condamné pour crimes contre l’humanité mais libéré pour raisons de santé après seulement trois années de prison, qui fut un bon soldat de l’Etat, le servant, sans jamais le menacer.