L’homosexualité est innée. Enfin, le débat est tranché ! Et par un scientifique belge de surcroit … De quoi se rengorger de fierté, non ? Jacques Balthazar, de l’université de Liège l’affirme haut et fort dans un gros livre, « Biologie de l’homosexualité  » : on naît homosexuel, on ne le devient pas, ni par choix, ni par éducation.
Les médias en ont fait leurs gros titres en ce début du
mois de février, et de nombreuses associations ou
blogs gays s’en félicitent. Si notre « inversion » fait
partie du bagage qu’on a dès la naissance, avec notre
nez retroussé, notre mèche rebelle, ou nos jolis petits
pieds, c’est donc qu’on ne peut rien y faire, qu’on
n’est en aucune manière coupable, pas plus que nos
parents et leur éducation, qu’on n’est pas des
malades qu’il faudrait guérir de cette perversion. En
pleine overdose léonardienne sur nos écrans, et son
rappel incessant de la doctrine de l’église selon
laquelle l’homosexualité est une maladie qu’il faut
contenir, beaucoup croient tenir en ce livre scientifique
l’arme définitive pour faire taire cette homophobie
de la hiérarchie catholique.
La thèse est rassurante pour de nombreux gays… moi
elle a tendance à me faire dresser les cheveux sur la
tête ! En premier lieu parce que le livre explique que
l’homosexualité résulterait d’une interaction entre
des facteurs génétiques et hormonaux dans l’embryon,
notamment provoqué par un stress important
subi par la mère pendant la grossesse. Et voilà la culpabilité
de la mère remise sur le tapis, sans parler des
tentations eugénistes que cette thèse ne manquera
pas de susciter… Les embryons homosexuels (en
devenir) auraient été exposés à une trop forte
concentration d’hormones de l’autre sexe… ce qui
permet de conclure bêtement que ces foetus ainsi surhormonisés
adoptent à l’âge adulte les comportements
du sexe opposé. Voilà longtemps qu’on ne nous
l’avait plus faite l’hypothèse du pédé qui aime les
hommes parce qu’en réalité, il est une gonzesse honteuse,
et de la gouine, forcément hommasse si elle
aime les femmes !
Surtout, le point de départ de telles recherches est toujours que l’homosexualité est l’état anormal par rapport à l’hétérosexualité, posée comme l’état génétique ou psychanalytique (selon les croyances) de base. L’objectif est d’expliquer l’homosexualité comme un accident, une dérive de la norme hétérosexuelle, qui est la situation (désirable) dans laquelle devrait se trouver la majorité des bébés (ceux des mamans non stressées, pour ceux qui suivent...). Personne ne s’essaie à expliquer scientifiquement l’hétérosexualité, comme si l’instinct de survie de l’espèce suffisait à justifier qu’on soit attiré par le sexe opposé.
Ces positions, qu’elles concluent au caractère inné ou acquis de l’homosexualité, sont en outre très essentialistes : on EST ou on NAIT hétéro ou homo, identité stable et définitive. Comment expliquer alors qu’une partie de la population a une orientation sexuelle variable tout au long de sa vie ? Que les attirances sont aussi souvent fonction du hasard, des rencontres, de choix personnels ou politiques ?
Pourquoi l’orientation sexuelle ne serait-elle pas inscrite dans la variété, au-delà du triste binome homo-hétéro, parfois évolutive dans le temps ? Comment développer des recherches scientifiques (doit-on seulement le faire ?) qui prennent une feuille blanche comme point de départ, ne donnant la prééminence à aucune orientation sexuelle, rendant automatiquement pathologique l’autre orientation ? Ce n’est d’ailleurs pas une coincidence que l’attention des médias se focalise sur de tels écrits au moment où la nomination de Monseigneur Léonard comme archevêque de Bruxelles lui permet de déverser sans fin ses propos homophobes. Entre un discours biologique victorieux et le retour du religieux, il ne reste plus de place pour une approche politique de la sexualité et de l’homophobie. Cette béance renforce la société hétéropatriarcale, ne s’adoucissant que pour admettre à la marge cette sempiternelle tolérance, dont les homosexuels n’ont que faire. Et les bien-pensants de se féliciter de leur progressisme, ayant choisi le camp rassurant du biologique qui leur permet de s’enorgueillir de leur ouverture d’esprit, sans remettre en cause leur propre statut de privilégié.
Que les gays et lesbiennes aient encore besoin d’être rassurés par ce genre d’études scientifiques est le plus désespérant et démontre la tristesse et la culpabilité qui continuent à hanter certains d’entre nous. En eston vraiment encore là ? Butler et Foucault, au secours !