> Les numéros > Scumgrrrls N° 17 - Printemps / Spring 2010

Homosexualité pour les nuls

L’homosexualité est innée. Enfin, le débat est tranché  ! Et par un scientifique belge de surcroit … De quoi se rengorger de fierté, non ? Jacques Balthazar, de l’université de Liège l’affirme haut et fort dans un gros livre, « Biologie de l’homosexualité  » : on naît homosexuel, on ne le devient pas, ni par choix, ni par éducation.

Les médias en ont fait leurs gros titres en ce début du mois de février, et de nombreuses associations ou blogs gays s’en félicitent. Si notre « inversion » fait partie du bagage qu’on a dès la naissance, avec notre nez retroussé, notre mèche rebelle, ou nos jolis petits pieds, c’est donc qu’on ne peut rien y faire, qu’on n’est en aucune manière coupable, pas plus que nos parents et leur éducation, qu’on n’est pas des malades qu’il faudrait guérir de cette perversion. En pleine overdose léonardienne sur nos écrans, et son rappel incessant de la doctrine de l’église selon laquelle l’homosexualité est une maladie qu’il faut contenir, beaucoup croient tenir en ce livre scientifique l’arme définitive pour faire taire cette homophobie de la hiérarchie catholique. La thèse est rassurante pour de nombreux gays… moi elle a tendance à me faire dresser les cheveux sur la tête ! En premier lieu parce que le livre explique que l’homosexualité résulterait d’une interaction entre des facteurs génétiques et hormonaux dans l’embryon, notamment provoqué par un stress important subi par la mère pendant la grossesse. Et voilà la culpabilité de la mère remise sur le tapis, sans parler des tentations eugénistes que cette thèse ne manquera pas de susciter… Les embryons homosexuels (en devenir) auraient été exposés à une trop forte concentration d’hormones de l’autre sexe… ce qui permet de conclure bêtement que ces foetus ainsi surhormonisés adoptent à l’âge adulte les comportements du sexe opposé. Voilà longtemps qu’on ne nous l’avait plus faite l’hypothèse du pédé qui aime les hommes parce qu’en réalité, il est une gonzesse honteuse, et de la gouine, forcément hommasse si elle aime les femmes !

Surtout, le point de départ de telles recherches est toujours que l’homosexualité est l’état anormal par rapport à l’hétérosexualité, posée comme l’état génétique ou psychanalytique (selon les croyances) de base. L’objectif est d’expliquer l’homosexualité comme un “accident”, une dérive de la norme hétérosexuelle, qui est la situation (désirable) dans laquelle devrait se trouver la majorité des bébés (ceux des mamans non stressées, pour ceux qui suivent...). Personne ne s’essaie à expliquer scientifiquement l’hétérosexualité, comme si l’instinct de survie de l’espèce suffisait à justifier qu’on soit attiré par le sexe opposé.

Ces positions, qu’elles concluent au caractère inné ou acquis de l’homosexualité, sont en outre très essentialistes : on EST ou on NAIT hétéro ou homo, identité stable et définitive. Comment expliquer alors qu’une partie de la population a une orientation sexuelle variable tout au long de sa vie ? Que les attirances sont aussi souvent fonction du hasard, des rencontres, de choix personnels ou politiques ?

Pourquoi l’orientation sexuelle ne serait-elle pas inscrite dans la variété, au-delà du triste binome homo-hétéro, parfois évolutive dans le temps ? Comment développer des recherches scientifiques (doit-on seulement le faire ?) qui prennent une feuille blanche comme point de départ, ne donnant la prééminence à aucune orientation sexuelle, rendant automatiquement pathologique l’autre orientation ? Ce n’est d’ailleurs pas une coincidence que l’attention des médias se focalise sur de tels écrits au moment où la nomination de Monseigneur Léonard comme archevêque de Bruxelles lui permet de déverser sans fin ses propos homophobes. Entre un discours biologique victorieux et le retour du religieux, il ne reste plus de place pour une approche politique de la sexualité et de l’homophobie. Cette béance renforce la société hétéropatriarcale, ne s’adoucissant que pour admettre à la marge cette sempiternelle tolérance, dont les homosexuels n’ont que faire. Et les bien-pensants de se féliciter de leur progressisme, ayant choisi le camp rassurant du biologique qui leur permet de s’enorgueillir de leur ouverture d’esprit, sans remettre en cause leur propre statut de privilégié.

Que les gays et lesbiennes aient encore besoin d’être rassurés par ce genre d’études scientifiques est le plus désespérant et démontre la tristesse et la culpabilité qui continuent à hanter certains d’entre nous. En eston vraiment encore là ? Butler et Foucault, au secours !

EN

According to a recent scientific book homosexuality would be inborn and not acquired. It would be the result of some hormonal mishap during pregnancy. This thesis might be reassuring for many gay people (they don’t have to feel guilty or ill), however it means that homosexuality is still considered as a deviation from the desirable heterosexual norm. It also implies that homosexuality is something immutable and not political. What a pity we still have to hear this sort of stuff !

NL

Volgens een recent wetenschappelijk boek zou homoseksualiteit aangeboren zijn en niet verworven. De oorzaak zou liggen bij een hormonale stoornis tijdens de zwangerschap. Een stelling die heel wat gays misschien geruststelt (ze zouden dus niet ’fout’ of schuldig zijn), maar die toch betekent dat homoseksualiteit nog steeds beschouwd wordt als een afwijking van de normale en gewenste heteroseksualiteit. Daarmee is de seksuele voorkeur ook meteen een onveranderlijke toestand, zonder politieke inhoud.