Corps « pour  » ou « à  » vendre, corps à battre, corps réceptacle, corps vaisseau, corps alibi, corps tronçonné, corps fantasme stéréotypé, le cinéma n’en peut plus de véhiculer des images de corps de femmes…ou plutôt de femmes de corps.
Seules quelques femmes réalisatrices (et encore moins d’hommes) résistent …Parler du corps pour une femme paraît essentiel ; pour une cinéaste, cette réppropriation tiendrait-elle de la survie, de la nécessité ?
Voici quelques catégories de discours sur le corps traversant des films qui ont pour sujet ou qui évoquent le corps des femmes (liste absolument non-exhaustive).
1) Le corps explorant, transfiguré, post-moderne, l’introduction de nouveaux genres :
Orlando de Sally Potter (les changements de sexe)
By hook or by crook de Harry Dodge & Silas Howard (l’identité trany, trans etc…)
Enough Man de Luke Woodward (les corps trans F to M et le sexe)
Venus Boyz de Gabriel Baur (les corps et la performance drag king)
I.K.U. de Shu Lea Shang (le corps cyborg)
Dandy dust de Hans Scheirl (le corps cyborg)
2) Le corps en devenir, les corps atypiques, marginalisés :
Hide and seek de Sue Friedrich (le corps adolescent d’un « garçon manqué »)
Diabolo menthe de Diane Kurys (le mal-être du corps adolescent)
De Eso No Se Habla de Maria Luisa Bemberg (le corps nain)
An angel at my table et Le piano de Jane Campion (le corps atypique, estropié)
Sans toit ni loi d’Agnès Varda (le corps libre, marginalisé)
Go fish de Rose Troche (des nouvelles représentations de corps lesbiens)
Manjuben truck driver de Sherna Dastur (le corps butch en Inde)
Don’t Worry It Will Probably Pass de Cecilia Neant-Falk (autoportrait du corps lesbien adolescent)
Lily Festival de Sachi Hamano (les corps âgés et le sexe)
Pashke & Sofia de Karin Michalski et Flying With One Wing d’Asoka
Handagamao (le corps de femme socialement envisagé comme corps d’homme)
3) Le corps, fragilisé, malade, mourant, mort, vendu, exploité, enfermé, etc… :
Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman (le corps et son exploitation quotidienne)
Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda (la maladie)
La fiancée du pirate de Nelly Kaplan (la prostitution et un corps libre)
Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig (l’exploitation cinématographique du corps des actrices)
Une affaire de femmes de Claude Chabrol (l’avortement)
Angel on My Shoulder de Donna Deitch (la maladie)
Boys Don’t Cry de Kimberly Peirce (la haine à l’égard d’un corps choisi)
Chaos de Coline Serreau (le trafic du corps des femmes)
Lilya for ever et A hole in my heart de Lukas Moodysson (le trafic, la prostitution et l’industrie porno)
Histoire d’un secret de Marianne Otero (le corps disparu - L’avortement)
4) Le corps et la sexualité :
Je, tu, il, elle de Chantal Akerman
Nitrate kisses de Barbara Hammer (les corps âgés lesbien et les pratiques sexuelles)
Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trin-Thi
Les films de Catherine Breillat
T- ogether de Lukas Moodysson (le corps libéré des années 70)
Sugar high glitter city de Jackie Strano et Shar Rednour et Please don’t stop : Lesbian Tips for Givin’ and Gettin’
It d’Oriana Bolden (pornos lesbiens auto-produits)
5) Le corps et le pouvoir, la provocation, l’empowerment, l’économie et la politique du corps :
L’une chante l’autre pas d’Agnès Varda (la lutte des femmes pour l’avortement)
Antonia de Marleen Gorris (la réappropriation de son corps)
Rise Above : The Tribe 8 Documentary de Tracy Flannigan (la provocation par le corps)
Cette année le Festival du Film Pink Screens (à Bruxelles du 12 au 21 mai 2006, www.pinkscreens.org) évoquera le thème du corps des femmes avec des films tels que :
Women in love
Chronique désarmante et insolente, étalée sur 14 années, réflexion sur la place du sexe dans la communauté lesbienne. Le film interroge le genre, l’amitié, les codes amoureux : de la fidélité, des brèves rencontres, jusqu’à la polyamory.
Transparent
Une réflexion passionnante sur ce que signifie être mère quand on n’a pas un corps féminin (et/ou un corps de femme).
A knock out
Un documentaire fascinant sur le genre et l’identité, sur le corps des femmes dans le sport.
Sisters in law
Ou comment les femmes africaines luttent, par la voie de la justice, pour leur droit au corps et contre les violences qui lui sont infligées.
Trannyfags
Porno étonnant autour de corps F to M transsexuel.
Un des focus du festival aura pour thème le corps et l’art et sera poursuivi au Musée du Cinéma pendant le mois de mai. Deux films du focus seront Dream girls, ou comment la société japonaise se joue des conventions sur le masculin et le féminin, par le corps et l’art, et Playing A Part qui retrace la vie scandaleuse et étonnante de Claude Cahun, photographe, auteure, artiste subversive et résistante, artiste du corps et du genre par excellence.
Des courts…avec Pleasure Zone (parodie porno d’un match de basketball), Hung (une poudre magique pour faire pousser des pénis…), Everyday of the week (réflexion sur les normes de représentations lesbiennes), Open (comédie sur la polyamory and co), Sometimes you fight for the world (romantisme drag king), You wash my skin with sunshine (portrait d’une relation mère-fille), XX to XY et Calling nate (2 films très touchants sur la transsexualité F to M)
Et au-delà du thème du corps, Gypo, un tout grand film sur l’amour entre une mère de famille et une réfugiée politique, Zero Degrees of Separation, sur les couples homos mixtes israélo-palestiniens, The journey, sur les tumultes de la passion adolescente chez de jeunes lesbiennes indiennes, Miso et Maso, une hilarante parodie de Delphine Seyrig en réponse au sexisme de la télé française, un film culte et rarement vu.