Grande action commerciale lors des dernières soldes de l’Avenue Louise, artère "chic et cher" de Bruxelles. Des femmes, strictement triées sur photo, allaient faire une course de compétition à hauts talons, pour se disputer une récompense de 10.000 ¤ (en bons d’achats, pas en cash, ça s’entend). Sorte de ruée à mort sur les soldes, où le public allait pouvoir se rincer l’oeil sur les participantes en tenue sexy, tout en s’esclaffant quand elles se cassaient la gueule. Ambiance "on achève bien les chevaux" garantie.
Cette annonceme déprimait déjà,mais peut-être encore moins que l’autre volet de l’attraction, franchement désespérant : une "garderie", prévue pour les hommes, équipée de la dernière technologie digitale. Là, lesmâles allaient pouvoir se retrouver sans toutes ces bonnes femmes et jouer à des jeux vidéo sur internet, sans devoir s’occuper des soldes ou de la corvée d’habiller le ménage.
Les deux volets de l’évènement, ode à la consommation, imaginé par Carl de Moncharline, rivalisaient de renforcement de clichés, de sexisme et de mépris pour les femmes et les hommes. Le cynisme était également au rendez-vous, avec le sponsoring par une firme connue de sparadraps et bandages... La Croix-Rouge attendait les premières blessées, délaissant ainsi des accidents nonsponsorisés ailleurs. La Région de Bruxelles Capitale trouvait que c’était chouette de rappeler les différences essentielles entre hommes et femmes, et soutenait l’événement avec l’argent public.
Rarement un événement a rassemblé une telle foule de protestataires en si peu de temps. En quelques jours, le Collectif Sold’@a vu le jour. Leurmission : faire réfléchir à cette "promotion" consommation + sexisme.
L’idée de la "garderie" avait finalement été abandonnée (manque de sous ?) et les efforts du Collectif allaient se concentrer sur la course. Pendant que les concurrentes se faisaient contrôler le talons (minimum 7 cm de haut et maximum 1,5 cm de surface) et maquiller par des professionnelles, lesmanifestant-e-s se positionnaient tout le long du trajet avec des slogans comme : "Le sexisme nuit gravement à la société", "Louise, t’es fashion chic,mais t’es pas classe", "Moi j’aime courir 100 mettre de hauts talons", etc....
Moi je ne pouvais que constater que le public s’amusait beaucoup plus avec nos pancartes, tracts percutants et déguisements rigolos qu’avec l’évènement officiel, mais c’est peut-être un parti-pris. En tout cas, il sympathisait largement, prenait volontiers nos tracts, et l’ambiance de lamanifmettait sérieusement àmal celle de l’évènement, qui en comparaison s’avérait finalement assez morose,malgré tout le fric déployé.
Mais le haut fait du Collectif reste quand même l’exploit de Léa, qui avait réussi à infiltrer la course, et qui allait la subvertir de l’intérieur. Après quelques mètres, elle s’arrête comme si elle a un problème de talons et commence à défaire sa chaussure, tandis que des caméras se tournentavidement vers elle, espérant un possibledrame. Elle enlève ses chaussures et marche calmement vers la ligne d’arrivée, en brandissant une pancarte : "Le sexisme n’achèvera pas mes chevilles". De quoi voler la vedette aux organisateurs de l’évènement.
Retrouvez sur le blog de Léa le compte-rendu avec photos, et le texte de notre tract : http://leanarchie. over-blog.net/ article-20773377.html