Au secours ! Les religieux envahissent le terrain politique ! La présence de quelques-uns d’entre eux au FSE même a suscité inquiétude et colère chez les féministes. Non que nous voulions évacuer la spiritualité de cet autre monde possible pour lequel nous combattons. Mais que des dogmes érigés sans que nous ayons été consultées régissent notre vie quotidienne et la société tout entière, non, nous ne sommes pas d’accord. Et nous pouvons expliquer pourquoi.
La question du genre, comme on dit dans les appels d’offre européens, est devenue incontournable, comme on dit dans les débats télévisés. Faut faire avec, et on le fait très bien en parquant les intéressées : l’atelier femmes et … , c’est au bout du couloir, et fermez la porte, il y a des courants d’air. Sauf que tout individu censé serait bien inspiré de venir écouter ce qu’elles (se) racontent, les meufs. On discute de choses qui nous concernent tous et toutes – par exemple, au hasard, le retour en force de la religion. Quand les papistes font le forcing sur la Constitution européenne, les Polonaises identifient une conséquence immédiate plus que probable : on va les abandonner avec l’interdiction de l’avortement – elles pour commencer, et puis après, qui ? Quand des intégristes s’autoproclament voix des exclu(e)s, ça rappelle de très mauvais souvenirs aux Algériennes. Et quand des altermondialistes des plus distingués gobent l’attrape-nigauds, et se résolvent de fait à des compromis sur les droits des femmes, les féministes se mettent en rogne. Attendre sagement les lendemains qui chantent ? Non, merci – on nous l’a déjà faite, celle-là !
Migrantes, nos concitoyennes du monde
Elles n’ont pas la mémoire courte, les femmes ; elles se rappellent que partout où les religieux, ou les nationalistes, qui peuvent d’ailleurs être les mêmes, se sont mêlés de politique, ça a été et/ou ça reste une catastrophe, pour tout le monde.
Est-ce que ça veut dire que les féministes refusent le "dialogue des cultures" ? Pas du tout, juste la confusion entre culture et religion. Le dialogue, il existe déjà, sans que des "porte-parole" soient convoqués. Une partie consiste à s’avertir mutuellement : gare au communautarisme, répètent par exemple les citoyennes d’Europe centrale et orientale, qui vivent au quotidien les ravages du diviser pour régner sur les droits civiques.
Et pendant que les coqs se disputent le gâteau, les rapaces le mangent. Dans le partage des miettes, les femmes seront les dernières servies. Elles quittent de plus en plus nombreuses leurs pays exsangues. La migration se féminise ; les migrantes ne rejoignent plus leur famille, elles s’exilent pour la faire vivre. Travailleuses de l’ombre, sans-droits, elles engraissent ici des employeurs peu scrupuleux, là des proxénètes. Prises en sandwich entre des communautés qui prétendent régenter leur vie et des sociétés de non-accueil qui les regardent avec mépris ou condescendance.
Rassembler pour gagner
Voilà ce qu’on se raconte dans les rencontres féministes. Et de l’échange d’expériences, naît l’action commune. Depuis de longues années, Serbes et Bosniaques, Palestiniennes et Israéliennes, luttent ensemble pour la paix. Comment se fait-il qu’on ne les voit pas aux tables des négociations ? Et guère davantage dans les colonnes de la presse ? Leurs témoignages, pourtant, galvanisent celles et ceux qui les écoutent.
Non seulement un autre monde est possible, mais il est inévitable. Reste à savoir lequel. S’il s’agit d’en éradiquer les discriminations, pour permettre l’expression et l’épanouissement de tout(e) individu(e), alors, nous sommes d’accord. S’il s’agit de remplacer le modèle dominant par une multitude de modèles visant tout autant à la domination, nous ne le sommes plus.
Les Pénélopes - http://www.penelopes.org